La Balade d'Amelie

Orphisme au Guggenheim :

L'exposition actuelle du GuggenheimHarmonie et Dissonance : L'Orphisme à Paris, 1910-1930, explore ce mouvement artistique vibrant et transcendant, baptisé "Orphisme" par le poète et critique Guillaume Apollinaire en 1912. Inspiré par le mythe d'Orphée, ce terme incarne une nouvelle direction artistique qui dépasse les formes fragmentées et les palettes ternes du cubisme pour embrasser l'abstraction, les couleurs éclatantes et le rythme dynamique de la vie moderne.

Mené par des artistes tels que Sonia et Robert DelaunayFrantišek Kupka et Francis Picabia, l'Orphisme cherchait à capturer la simultanéité de l'existence à travers des compositions vives. Ces artistes ont exploré les profondes mutations du début du XXe siècle : modes de transport plus rapides, éclairage électrique et vie nocturne urbaine. Les Prismes électriques de Sonia Delaunay incarnent cette énergie, dépeignant un boulevard parisien illuminé par des couleurs palpitantes, reflétant la simultanéité vibrante de la vie urbaine.

 

Au cœur de l'Orphisme résidait l'étude de la couleur et de la lumière. Le mouvement s'appuyait sur des théories scientifiques, notamment le principe des "contrastes simultanés" de Michel Eugène Chevreul, qui démontrait comment la juxtaposition de couleurs opposées pouvait créer une harmonie. Cette base a permis aux orphistes de concevoir des œuvres kaléidoscopiques, souvent ornées de motifs circulaires évoquant le mouvement et l'énergie. Les Contrastes simultanés : Soleil et Lune de Robert Delaunay illustrent cette approche, avec des cercles concentriques irradiant lumière et couleur, inspirés par des phénomènes célestes.

L'exposition explore également la nature transnationale du mouvement. Bien que centré à Paris, les praticiens de l'Orphisme étaient issus de divers horizons. Sonia Delaunay, née en Ukraine actuelle, et Kupka, originaire de Bohême, illustrent les influences multiculturelles qui ont enrichi leur art. Les Delaunay organisaient des salons, favorisant un échange créatif qui s'étendait aux cercles d'avant-garde de Berlin et au-delà. Pourtant, lorsque la trajectoire de l'Orphisme fut interrompue par la Première Guerre mondiale, les horreurs du conflit ont poussé de nombreux artistes à s'éloigner de l'abstraction pour adopter un style plus représentatif. Malgré cela, des figures comme Kupka et Robert Delaunay ont continué à affiner les principes de l'Orphisme, faisant évoluer son langage visuel tout au long de leur carrière.

L'un des moments forts de l'exposition est la représentation par Sonia Delaunay des "Jeudis Tango" au Bal Bullier, où elle capture abstraitement les mouvements et les rythmes du tango. Émergeant des quartiers populaires d'Argentine et d'Uruguay, le tango est arrivé à Paris vers 1910 et est rapidement devenu une sensation grâce à sa sensualité et son esprit d’improvisation. Il fut adopté par les Parisiens, qui affluaient dans les salles de danse pour vivre son énergie vibrante. L'œuvre de Delaunay illustre la synthèse du mouvement entre musique, danse et art visuel, mettant en avant la capacité de l'Orphisme à évoquer des expériences multisensorielles tout en reflétant l'échange culturel qui a défini leur époque.

 

 

Harmonie et Dissonance, un aperçu vibrant d'un moment éphémère mais transformateur de l'histoire de l'art 

Au Guggenheim, jusqu'au 9 mars 2025