La Balade d'Amelie

Gagosian

Une nouvelle exposition dédiée à Cy Twombly à la galerie Gagosian, dans l’Upper East Side, offre une exploration de l’approche singulière de l’artiste à l’abstraction, couvrant des périodes clés de 1968 à 1990. La présentation met en lumière l’évolution du langage visuel de Twombly, depuis ses célèbres peintures « blackboard » jusqu’à ses œuvres plus tardives, témoignant d’un engagement profond avec l’histoire, la nature et l’expression poétique.

Figure incontournable de l’art américain d’après-guerre, Twombly échappe à toute classification rigide. Son parcours artistique débute par des études dans des institutions telles que la School of the Museum of Fine Arts de Boston, l’Art Students League de New York et le Black Mountain College, foyer avant-gardiste où il rencontre des figures influentes comme Robert Rauschenberg et John Cage. Si l’intensité gestuelle de l’expressionnisme abstrait marque ses premières années, Twombly s’oriente rapidement vers une voie singulière, mêlant peinture, écriture et références historiques.

La première section de l’exposition est consacrée aux célèbres peintures « blackboard » (1968–1971), où des tracés blancs, ondulés et calligraphiques se déploient en un rythme énergique mais insaisissable sur des surfaces sombres. Réalisées à l’huile et au crayon de cire, ces œuvres évoquent un large éventail d’associations, allant des exercices disciplinés d’écriture manuscrite sur tableau noir aux gestes spontanés du graffiti. La pièce maîtresse de cette section, une œuvre sans titre de 1971, semble capturer un tourbillon d’inscriptions floues, traduisant une sensation de mouvement éphémère, tel un rideau de pluie sur une fenêtre ou un vol d’oiseaux en plein ciel. Ces œuvres illustrent la capacité de Twombly à équilibrer ordre et chaos, structure et spontanéité.

Au-delà du monochrome austère de la série « blackboard », l’exposition explore ensuite ses expérimentations ultérieures autour de la couleur et de la matérialité. Ses peintures des années 1980 introduisent une palette terreuse dominée par des verts et des rouges profonds, évoquant des paysages imprégnés à la fois de vitalité et de déclin. Des œuvres comme Paesaggio (1986) traduisent la turbulence atmosphérique d’un orage imminent, rappelant les représentations classiques des forces de la nature. Les coups de pinceau gestuels de ces compositions reflètent l’intérêt constant de Twombly pour l’histoire—son art résonnant à la fois avec le dynamisme des maîtres de la Renaissance et du Baroque, ainsi qu’avec le minimalisme expressif de la calligraphie d’Asie de l’Est.

Le dernier segment de l’exposition présente Five Day Wait at Jiayuguan, une suite de quatorze dessins commémorant les voyages de Twombly en Asie. Initialement exposée à la 39 Biennale de Venise en 1980, cette série n’avait pas été réunie depuis plus de quarante ans. Ici, l’artiste condense vastes paysages et récits historiques en compositions audacieuses et fragmentées, marquées par des rouges profonds et des roses, évoquant les paysages arides du désert de Gobi.

Cette exposition offre une rare opportunité d’appréhender l’œuvre de Cy Twombly de manière segmentée et réfléchie. En mettant en lumière plusieurs chapitres distincts de sa pratique, elle souligne la richesse et la complexité de son langage et démontre, plus d’une décennie après sa disparition, combien son travail continue de vibrer d’une immédiateté saisissante.