Découvrez ce bel article de Villiv, sur l'histoire de la galerie !
La galeriste Amélie du Chalard
Après Paris, Amélie du Chalard a créé un nouveau refuge artistique à New York. Son « Amélie, Maison d’Art » n’est ni une galerie traditionnelle, ni un simple foyer : c’est un espace où l’art et le design pénètrent comme la lumière naturelle. Ici, l’art ne se limite pas à la décoration, il fusionne avec l’espace et s’anime au cœur du quotidien. Au-delà de l’observation des œuvres, ce lieu permet de vivre l’univers d’un collectionneur à travers des installations, des performances live, des ateliers créatifs ou encore des dîners artistiques.
La pièce où les enfants jouaient devient un bureau de galeriste ; le salon, un lieu de stockage pour les œuvres de sa collection. Chez elle, « Amélie, Maison d’Art », plus de 150 artistes sont représentés à travers des peintures, sculptures, dessins et autres médiums qui se glissent entre les objets du quotidien. Les œuvres ne sont pas confinées aux murs : elles s’invitent près des escaliers, au-dessus de la table à manger ou autour du canapé. Loin d’être figées dans un espace d’exposition, elles vivent dans le paysage quotidien. Les visiteurs découvrent ainsi une nouvelle manière d’interagir avec l’art, hors des cadres habituels. Et ce type d’art, intimement lié à la vie, peut transformer les pensées et les perceptions de chacun, même des néophytes.
« Certains visiteurs américains m’ont confié qu’il n’existait aucun lieu comparable à cela, même dans une ville aussi artistique que New York. »
C’est ce retour qui a poussé Amélie du Chalard à rêver d’un espace semblable dans le quartier de SoHo, au cœur du marché de l’art. Elle ouvre récemment une nouvelle « Maison d’Art » dans une zone résidentielle — et non dans une rue de galeries — au 85 Mercer Street, un ancien atelier d’artiste resté abandonné pendant plus de 10 ans. Ce lieu a été repensé par l’architecte new-yorkais Keith Burns, ainsi que Tess Walraven et Nike Vogrinec, deux architectes basées à Paris. Ensemble, ils transforment cet espace en un lieu artistique inédit, ni maison ni galerie, mais plus encore.
Extérieurement sobre, l’espace révèle sa vraie nature dès qu’on en franchit le seuil : sous un plafond de 4,3 mètres de haut, la lumière naturelle s’infiltre et dessine des tableaux mouvants sur les murs et les sols. Dès l’entrée, une sculpture en céramique de Lili Delaroque attire le regard. Puis, un banc aux lignes courbes du studio de Linde Freya Tangelder (Destroyers/Builders) mène vers un salon orné de colonnes corinthiennes typiques de l’architecture de SoHo. Le dépôt des œuvres, quant à lui, se cache derrière une porte sculptée par l’artiste Eloi Schultz. Le sol en marbre, les rideaux de laiton du sol au plafond, les étagères modulables : tout cela illustre la manière dont l’art peut s’insinuer délicatement dans l’ordinaire. Ces éléments sont à la fois parties intégrantes de l’exposition et de l’architecture, influençant l’atmosphère selon la lumière du jour. L’art ici n’est ni figé ni passif : il brille, circule et respire avec l’espace.
Sa mère était artiste, son père collectionneur. Même si elle grandit dans un univers créatif, elle entame sa carrière dans la finance. Pourtant, l’art ne la quitte jamais : elle visite des galeries le soir et collectionne des œuvres durant son temps libre. C’est alors qu’elle réalise que beaucoup de gens, même aisés, ne fréquentent pas les galeries. Pourquoi l’art est-il devenu si inaccessible ? Pourquoi les galeries sont-elles si froides et fermées ? Elle décide d’explorer de nouvelles réponses — en ouvrant sa propre maison.
C’est là que réside toute sa collection, et rien n’est plus accueillant qu’un chez-soi. Les visiteurs y entrent sans pression, peuvent discuter librement, et surtout découvrir des œuvres en situation réelle : un tableau caressé par la lumière de l’après-midi, une sculpture mise en valeur par une ambiance musicale, ou un dessin posé près du canapé. Ce contact intime permet de comprendre que l’art ne se limite pas à l’ornementation : il donne vie à un intérieur, le rend vibrant.
« Une galerie a un seuil d’entrée plus bas qu’un simple muret de jardin », aime-t-elle dire. Pour elle, « l’art est comme un rayon de lumière naturelle qui traverse nos vies ». À l’image de la lumière qui transforme un espace, l’art ouvre nos perceptions. Les œuvres sont comme des petites fenêtres vers de nouveaux mondes. Cette philosophie est la base même d’Amélie, Maison d’Art, et ce qui en permet l’expansion internationale.
La galerie new-yorkaise occupe un ancien studio de 370 m² datant de 1873. Elle conserve des éléments uniques : mezzanine suspendue par des chaînes, colonnes corinthiennes, vieux rayonnages. Là où Paris est fait de pièces chaleureuses, New York offre une structure loft plus ouverte. Si les deux espaces partagent la même philosophie, ils reflètent le caractère distinct de chaque ville.
À New York, l’objectif est de briser les frontières entre art et design. Alors que les marchands américains se concentrent souvent sur la peinture, Amélie souhaite intégrer céramiques et sculptures au même niveau. Elle collabore avec une centaine d’artistes internationaux pour créer des installations permanentes dans l’espace, comme un sol en marbre incrusté ou des murs sculptés.
C’est un lieu de vie autant qu’un lieu artistique. Les œuvres sont exposées jusque dans la cuisine. La grande table, en granit haut de gamme comme le comptoir, accueille des dîners réguliers. Partager un repas entouré d’œuvres crée un sentiment de dialogue avec l’art. Le soir venu, l’ambiance change : les gens se rassemblent autour de la table de billard, discutent d’art en jouant. Ce genre d’expérience immersive illustre parfaitement la manière dont l’art s’intègre au quotidien.
En visitant New York un mois sur deux, elle constate que les Américains s’appuient plus souvent sur des conseillers ou designers pour acheter, et qu’ils décident plus rapidement. Là où les Européens hésitent et comparent, les Américains agissent par intuition et coup de cœur.
New York est une ville d’opportunités. Il faut donc offrir une expérience différente. Amélie mise sur la personnalisation : permettre aux collectionneurs d’imaginer une œuvre dans leur propre espace. Elle organise des visites d’ateliers, des tours privés de musées, propose des œuvres sur rendez-vous pour des échanges approfondis.
En tant que collectionneuse, elle connaît les attentes des autres. Son programme spécial, « Art Room », recrée un intérieur de collectionneur avec des œuvres intégrées. Qu’ils soient novices ou aguerris, les visiteurs peuvent y expérimenter l’art dans un cadre de vie. Elle travaille aussi avec des architectes pour commander des œuvres spécifiques adaptées aux goûts et lieux des collectionneurs. Des résidences d’artistes dans des lieux comme Arles, la Camargue ou les Alpilles leur permettent de créer face à des paysages inspirants.
Elle accompagne aussi bien les jeunes acheteurs que les collectionneurs confirmés. Tous cherchent une œuvre à aimer. L’aspect investissement reste secondaire. Elle favorise les rencontres entre collectionneurs pour encourager le partage de goûts. Elle développe une communauté autour de la galerie, accessible aussi à distance via les médias numériques et imprimés.
Principalement dans le secteur BtoB : hôtels de luxe (Dorchester à Dubaï, Nolinski à Venise, The Emory à Londres), boutiques de luxe comme Dior, ou encore des sièges sociaux d’entreprises ou fonds d’investissement. Elle assure aussi bien la curation que les installations sur mesure.
« De plus en plus de gens cherchent des œuvres qui résonnent avec leurs valeurs et leur vécu, au-delà des noms connus ou des tendances. »
Elle reste prudente. L’argent est utile, mais il peut détourner l’art de sa vraie nature. Même les collectionneurs passionnés peuvent perdre leur vision s’ils se laissent trop guider par le marché. Son objectif : rappeler que l’art vaut plus que le capital.
Oui, très clairement. L’art n’est plus vu uniquement comme un objet de collection ou d’investissement, mais comme un élément qui enrichit un espace personnel et crée des liens émotionnels. Le clivage entre art et décoration s’estompe. Désormais, le goût et les valeurs personnelles priment.