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du 21 mars au 21 juin
Vernissage
Dimanche 30 mars
les Alyscamps Av. des Alyscamps, 13200 Arles
à l’écart
Comment aborder ce qui fait signe depuis le passé ? Comment percevoir un chuchotement au bord du silence ? En retenant son pas. En allumant d’incertains fanaux le long du chemin. C’est la proposition de Florence Grundeler, invitée par la mairie d’Arles à explorer le site inspiré des Alyscamps.
Les Alyscamps, fleuve fossile où les temps se mêlent, à l’écart de la ville. Les cuves des sarcophages flottent le long d’une voie qui menait autrefois jusqu’à Rome et serpente toujours vers l’ailleurs. Un flux silencieux et immobile n’en finit pas de couler. Flux du temps, flux de douleur et d’allégresse. Flux des eaux mythiques et des eaux vivantes qui suintent les jours de pluie, remontant des nappes souterraines.
Les Alyscamps, territoire mouvant où les vivants escortent les morts, par le souvenir, le rêve et le labeur. Construire, détruire, reconstruire, remployer, empiler, recouvrir, excaver, restaurer.
Regarder. Percevoir. Dériver.
Strates de temps, de gestes et de désirs.
« à l’écart » trace un cheminement singulier dans ce labyrinthe de vestiges dont la longue veille a inspiré l’artiste, toujours attentive aux tremblements du temps. Ses œuvres-réceptacles recueillent la sève énigmatique des traces visibles et invisibles, se gardant de toute affirmation, malgré leur vigueur plastique.
Posées ou suspendues, elles touchent les murs, effleurent le sol, habitant l’espace à la manière de souffles, humbles et peu disants. Leurs variations délicates révèlent les charnières et lacunes du parcours, leur matérialité franche anime les vides et dialogue avec les accidents de l’architecture. Se répondant l’une l’autre dans une traversée méditative, elles appellent à un autre regard sur le site, lent, patient, ouvert. A l’écart.
En début de parcours, les "paratemps" mesurent les ondes temporelles au travail en sous-sol, au cœur des couches archéologiques. Dans la chapelle Sainte Accurse, des encres instinctives tâtonnent vers les murs délavés, tandis que «l’histoire de temps» fredonne sa cantilène des ruines.
« Les jours » suivent la dérive des sarcophages, comme les marches éparses d’un escalier défait. Une fois le portail franchi, deux autres paratemps font signe vers une présence-absence. Une grande tenture ruisselle au mur de la chapelle Mollégès, emportant le regard dans son flot puissant, mi liquide mi ardent. Moment d’allègement et d’exultation avant d’aborder l’église.
Au cœur du sanctuaire, les œuvres jouent patiemment avec les formes, tantôt modelées par la lumière, tantôt dissimulées dans l’ombre. Entrelaçant figures géométriques et concrétions organiques, elles résonnent comme des voix sans mot. Rouleaux en offrande dans une niche, cercle évasant l’espace d’une chapelle, lés traversant la clarté d’une absidiole, sphère éclaboussant les dalles, comme tombée d’une lanterne. Dans la crypte, les pavés montent du sol telles des reliques ébahies.
Et le fil, leitmotiv de l’exposition, s’épanouit dans l’alvéole déserte qui accueillit autrefois un tombeau. Le fil qui se tend vers l’ailleurs, le fil qui dévide un récit indiscernable, le fil qui tisse une histoire de temps. A la sortie, des bâtons-vigies invitent à continuer le chemin. Ou à revenir sur ses pas, pour renouer le fil du parcours. À l’écart.
Anne Louyot, commissaire de l’exposition