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D'instinct

Dominique Mercadal & Clément Mancini

Janvier 2023

Dominique Mercadal

“Le temps ne passe pas mais se superpose”, dit Dominique Mercadal dont les grès émaillés, strates accumulées qu’elle strie ou poinçonne, adoucissent tout. Elle les travaille par série et à la plaque, sorte de gabarit ou de patron de couture, sans doute en souvenir de ses premières créations textiles. Partout, des motifs graphiques saturent la surface qui ondule et prend des formes connues : nuage, arbre, vague… Les “faux-unis” de Dominique Mercadal trompent l’œil qui croit voir dans ces volumes “pixelisés” couleur de sable ou de suie, les jolies choses que la nature produit. Ainsi de ces moutons solitaires criblés de pois, qu’on croirait échappés d’une toile de Seurat, ou de ces montagnes, rondes-bosses creusées de sillons comme le Cairn de Gavrinis, synthèses entre un champ labouré et un jardin zen. Le climat, a priori clément, est en crise, et la catastrophe approche : tsunami, tronc calciné, coulée de boue…. En rêve ou en vrai, Dominique Mercadal croise des paysages menacés. Ses grandes vasques sèches l’attestent : leur source s’est tarie et sur la pierre, ne reste plus de l’eau qui, jadis, jaillissait en cascade, que les rides. Pour chaque vide, il y a un plein dans ces pièces claires obscures, “montées” lentement, par hasard ou accident, tant leur matière est imprévisible. Mises à plat ou au mur, elles sont des terres de contrastes. 

 Virginie Huet

Clément Mancini 

Longtemps, Clément Mancini a répondu à l’appel du mur. Si bien que l’écho est net entre ses graffitis passés et ses toiles actuelles, elles aussi peintes à l’instinct, dans un geste vif. La main, leste, y trace sans esquisse des signes privés de sens sur des fonds noirs ou crèmes, aplats neutres pleins de traces. Affranchies de tout, ces écritures illisibles ne représentent rien : ce sont des formes en soi, pareilles aux expressions directes des abstraits américains - Robert Motherwell, Willem de Kooning, Joan Mitchell, Helen Frankenthaler, Clyfford Still. À son tour, Mancini passe à l’action et colore de vastes champs libres dans une palette réduite, allant du brun au vert et du rouille au rose. Des lignes bleu azur, veines apparentes, électrisent soudain l’ensemble, qui oscille sinon entre ténèbres et feu pâle. La surface, vue de loin, paraît lisse. De près, surgissent les fantômes d’origine, loupés que Mancini ne renie pas. Mieux, ils lui donnent un cadre : des plans s’improvisent

dans des pans isolés par des bandes de scotch puis effacés, recouverts, effacés de nouveau, intégralement ou en partie. Ces coupes opérées en mode aléatoire dans les couches d’acrylique créent des angles, un sentiment de profondeur, un effet de perspective. Hasard et superposition guidaient déjà ses premiers jets de plâtre et ses frictions de rouille, autres jeux de matières aux airs d’empreintes pariétales. Ceux-là, plus dépouillés encore, portent la même morsure du temps.

Virginie Huet