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Avril 2023
Souvent les pratiques et thématiques artistiques se rejoignent à la faveur de préoccupations communes en lien avec les enjeux brûlants qui agitent le monde. Le projet Histoires du sensible dessine les contours imaginaires et poétiques des problématiques actuelles dans lesquelles neuf artistes aux recherches transversales se répondent. Il est question de la fuite du temps, de la mémoire, de l’abstraction, du végétal et ses intrications au sein du territoire qui fait figure de motif invisible. Les oeuvres de yann delacour, des photographies de sculptures urbaines, réalisées à la périphérie de son atelier, côtoient les sublimes tirages uniques d’ilanit illouz fossilisés par le sel de la mer Morte ou par des minéraux collectés. Les deux artistes partagent une sensibilité pour l’observation d’un paysage urbain ou naturel, dans lequel chaque espace, chaque temps éclaire l’autre et lui apporte matière à se révéler et à se clarifier. Il est aussi question d’unicité du médium photographique dans les évanescents ambrotypes d’eric antoine. À partir du collodion humide, procédé du 19ème siècle lent et complexe, il réalise des photographies magistrales où les accidents visuels apparaissent dans ses tirages de formes lunaires et les oliviers ancestraux. Aux confins de ses recherches formelles et coloristes, sandra mauro obtient des abstractions entre photographies et peintures. Ses compositions spectrales éblouissantes deviennent alors des espaces de contemplation et de méditation. On retrouve un modus operandi similaire dans la pratique de gilles pourtier pour qui sculpture et photographie rendent compte d’un même niveau d’exigence et de recherches lui permettant de développer un dialogue avec la matière nourri de ses lectures philosophiques.
Les sensuelles sculptures entrelacées d’hermine bourdin et les magistrales Eclipses suspendues de félicie d’estienne d’orves dont les rotations cycliques et progressives associées aux déroulements d’états lumineux et hypnotiques viennent ponctuer avec grâce, un propos ou chacune des pratiques artistiques créent des correspondances évidentes. D’un coup, les connexions secrètes et involontaires forment un tout comme les oeuvres textuelles de zoé vayssières, réalisées à partir de plaques de cuivre gravées, ou bien les acryliques colorées sur aluminium de charles warde.
En se tenant à la croisée d’oeuvres kaléidoscopiques, les écritures artistiques exposées traduisent l’état du monde, donnent à voir des paysages mentaux et tout un imaginaire pour raconter des histoires universelles.
Béatrice Andrieux
Commissaire et critique d’art